Pour aller à la découverte de la Forteresse de Crozant plus en détails, nous vous proposons de faire sa visite à travers une série d’articles qui présentera tour à tour ses différents édifices. Commençons par la plus emblématique. Celle qui, parmi les ruines, semble aujourd’hui la plus imposante et dont la silhouette, en forme de molaire renversée (comme la désignait parfois les peintres pour plaisanter) est identifiable au premier coup d’œil. Nous parlons bien sûr de la tour carrée.
« Cette première matinée se passa pour moi à tracer une esquisse au crayon, qu’on trouva assez exacte, bien qu’Humblot prétendit qu’elle ferait une superbe enseigne de dentiste. Cette plaisanterie d’un goût détestable ne se comprendrait pas si on ne savait que, de l’endroit où je m’étais installé, la tour carrée occupant le milieu du paysage fait songer à une molaire vu la tête en bas et dont les racines pointeraient vers le ciel. »
Huit Jours à Crozant, Albert Geoffroy, 1901
Son nom la distingue des autres tours du site bâties sur des plans circulaires, mais carrée elle ne l’est pas vraiment. En effet, son plan au sol mesure 10m sur 10,80m, aussi l’appelle-t-on parfois « tour quadrangulaire » si l’on veut être précis.
On peut pénétrer dans la ruine de la tour carrée par une porte ouverte sur la face ouest, mais à l’intérieur les étages se sont écroulés et ne se devinent plus que par des trous de charpentes qui apparaissent à différents niveaux. On remarque également la présence de baies à coussièges, ce qui peut paraître étonnant dans un édifice que l’emplacement, au centre de la deuxième enceinte, désignerait plutôt comme une tour de garde. Les coussièges sont habituellement réservés à des espaces résidentiels, car ces banquettes de pierres, posées de part et d’autres de grandes fenêtres à meneaux, permettaient de profiter de la lumière du jour pour lire, coudre ou jouer de la musique. Autant d’activités peu adaptées à une tour de garde et que la fenêtre à meneaux aurait rendu plus vulnérable aux attaques.
Regardons la tour carrée de plus près :
Le parement externe de la base est en pierre de taille et les datations aucarbone 14 permet de situer cette construction vers le milieu du XIIIe siècle. Cette tour aurait donc été bâtie à l’époque où la forteresse jouait pleinement un rôle défensif, sous l’occupation des Lusignan. Les étages de la ruine présentent quant à eux un aspect différent et semblent avoir fait l’objet de travaux de surélévation survenus au cours du XVe siècle, quand le château de Crozant était intégré au royaume de France et avait perdu sa fonction de forteresse. On peut alors supposer que ce qui était une ancienne tour de garnison fut à ce moment-là transformée en logis, d’où l’ajout d’éléments de confort comme les coussièges.
Tombée en ruine comme tout le reste du château au cours du XVIIe siècle, la tour carrée fit l’objet d’une rénovation en 2011. Consolidée et cristallisée, elle est désormais figée dans le temps.
La tour carrée représentée par les artistes au cours du XIXe siècle et début XXe :
Pour aller plus loin :
BOUVART, Patrick, Crozant, la tour carrée, 2011 (lire en ligne)
BOUVART, Patrick, Le château (lire en ligne)
REMY, Christian, Le château des Lusignan à Crozant, 1999 (lire en ligne).
REMY, Christian, Crozant, forteresse d’exception, Culture & Patrimoine en Limousin, 2011