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Eugène Alluaud : Crozant, son village de coeur

Article écrit à 4 mains, par Manon Barraud & Tiphaine Hirou

Eugène Alluaud a passé près de soixante ans à Crozant. Il y vient pour la première fois en 1887, et il y meurt en 1947. Il n’est donc pas exagéré de le présenter comme don “village de cœur”, bien qu’il ait aussi vécu à Paris et Limoges.

À première vue, on peut s’étonner que ce riche héritier ait choisie de s’établir dans un petit village creusois, alors qu’il aurait pu vivre dans bien d’autres endroits, plus en vogues et moins isolés. Il faut dire que notre perception de la vallée de la Creuse est entachée d’à priori et d’idées reçues, lui conférant une image plutôt négative (qui, signalons le, est toutefois en train de changer).

Crozant en 1900. Malgré son apparence rurale, le village n’en abritait pas moins une société bourgeoise et urbaine qui gravitait, pour beaucoup, autour d’Eugène Alluaud.

Mais replaçons nous au temps d’Alluaud. En 1906, le recensement indique que Crozant compte près de 1 900 habitants. Dans les microcosmes des villages, la vie est rythmée par les saisons et il y a peu de lien avec l’extérieur, à l’exception des quelques maçons qui exportent leur force de travail à Paris. Du côté du bourg, en revanche, l’ambiance est très différente. Parce qu’il est fréquenté par les touristes qui viennent découvrir les paysages de George Sand – parmi lesquels les ruines de la forteresse occupent la première place – on y trouve de nombreux commerces et des auberges. Dans sa villa qu’il a fait construire près de l’Hôtel Lépinat, Eugène Alluaud a pour voisins le peintre parisien Paul Madeline ; le dandy Wynford Dewhurst, qui partage son temps entre la France et Manchester ; ou encore Paul Burty Haviland, qui fait régulièrement des allers et retours entre Limoges et New York.

Eugène Alluaud s’est intéressé à la photographie dès ses débuts. Voici, immortalisée sur une plaque de verre, l’une de ses fêtes organisées à Crozant. À droite, déguisée en princesse, se tient Paul Burty Haviland. Chef d’entreprise travaillant à New York, Haviland était à la même époque co-rédacteur de Camera Work, première revue américaine consacrée à la photographie moderne.

De fait, Eugène Alluaud ne trouvait pas seulement à Crozant des motifs pittoresques qui l’inspirait, mais il pouvait également jouir de la compagnie d’une société aisée qui, comme lui, appréciait de venir en villégiature dans la vallée. Ces hommes et femmes lettrés, dont beaucoup étaient rentiers, amateurs d’arts et d’excursions, profitaient des grandes fêtes qu’Alluaud donnait dans sa villa.

Mais Alluaud côtoyait aussi les locaux, paysans et artisans. Il entretenait notamment des liens d’amitié avec la famille Lépinat. En 1901, il n’hésite pas à s’impliquer dans le projet farfelu d’un artiste de passage qui souhaite organiser un spectacle de marionnette dans la salle commune de l’auberge. Il fait venir son piano, ainsi que des tapis et tentures pour contribuer au décor de la scène. Tous les villageois sont conviés à la représentation. Certains anciens du village se souviennent également des grands concours de pêche qu’il organisait sur la Creuse.

Un aperçu de la foule qui se pressait aux concours de pêche de Crozant. Alluaud marche en tête du groupe.

Ajoutons que dans les années 20, il fit une affiche promotionnelle pour la Compagnie des Chemin d’Orléans et, qu’en 1947, juste avant sa mort, il réalisa des illustrations pour un livre consacré à la rivière Sédelle.

Ces quelques exemples montre à quel point Eugène Alluaud s’était attaché à ce petit bourg rural et dont il était devenu l’un des plus fervents ambassadeurs. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, mais gardons en pour de prochains articles…